5 Méthodes pour faire naître de l’intelligence collective au boulot

Gérer des individualités, des compétences et des appétences différentes : l’exercice est loin d’être simple. C’est pourtant le rôle du manager qui doit unifier efficacement le travail des uns et des autres vers un même objectif. Une mission heureusement facilitée aujourd’hui par une meilleure compréhension de nos mécanismes cérébraux. Déjà en 2010, une équipe de chercheurs menée par le centre pour l’intelligence collective du MIT s’interrogeait sur les ressorts d’une collaboration performante. Leur étude avait démontré que la réflexion d’un groupe de personnes se révèle, dans certains cas, supérieure à celle des individus pris isolément. Mais, contrairement aà un préjugé tenace, la pertinence de ce travail collectif ne résulte pas de la somme des intelligences individuelles. Au contraire, rassembler des experts de haut niveau autour d’une table… fait naître des enjeux de pouvoir qui nuisent au fonctionnement du groupe! Exit aussi  » la bonne ambiance  » au sein de l’équipe, qui s’avère en réalité peu efficiente sur la qualité du résultat, tout comme la motivation des collaborateurs. Les facteurs les plus déterminants d’une bonne intelligence collective résident dans la sensibilité sociale des participants (empathie, ouverture d’esprit), leur capacité à s’écouter entre eux et… de la parité femmes-hommes au sein du groupe. Si les managers n’ont pas toujours la main sur la composition de leur équipe pour réaliser ce cocktail gagnant, ils peuvent tout du moins agir sur l’environnement de travail afin de favoriser cette fameuse intelligence collective. Entre théorie et pratique, voici quelques idées pour faire émerger une collaboration efficace et performante.

Créer de la sécurité émotionnelle

« La collaboration n’est pas forcément naturelle en entreprise et au sein des organisations en général », constate Eric Singler, directeur général du groupe BVA et auteur de Nudge Management (Editions Pearsons 2018). Bien sûr, l’homme a besoin de lien social mais, dans le champ professionnel, il a aussi tendance à rester sur son quant à soi. Difficile en particulier pour les cadres de gommer le crédit lié à leur position hiérarchique et à leur statut pour… coopérer, tout simplement.

-> La théorie

Cette forme de retrait social s’explique par un biais que nous avons tous : l’aversion au risque. Pour le décrire simplement : un humain préfèrera toujours gagner cinquante euros à coup sûr plutôt que cent avec une chance sur deux. En entreprise, la coopération représente une forme de prise de risque. Pour contrer ce biais, les études ont mis en avant l’importance du concept de sécurité psychologique. En 2017, Google lançait ainsi une vaste étude pluridisciplinaire auprès de 180 équipes différentes. Parmi les cinq facteurs clés identifiés comme moteurs d’un collectif performant, la sécurité psychologique arrivait en tête. Pour mettre ses collaborateurs en confiance le manager se doit donc de chasser leurs incertitudes.

-> La pratique

« Il ne faut pas sortir les collaborateurs brutalement de leur zone de confort au risque de les inhiber voire, pour certains, de les agresser », assure Erwan Devèze, directeur de Neuroperformance Consulting. Comment ? En les rassurant déjà sur leur zone de compétence. Sans en abuser, fixez de petits objectifs individuels à chacun de vos collaborateurs et accompagnez-les, si besoin, dans leur réalisation. Valorisez ensuite collectivement les missions accomplies. Dans le jargon managérial on appelle cela les quick wins, des victoires rapides qui motivent mais surtout tranquillisent les collaborateurs dans ce qu’ils savent faire. La reconnaissance est en effet un puissant stimulateur de dopamine.

En tant que manager, il vous appartient donc de créer les conditions de cette sécurité psychologique. Au quotidien cela se double d’une attitude ouverte.  » Affirmez que vous tenez à ce que tout le monde puisse s’exprimer. En groupe, ne critiquez jamais une idée, faites en sorte de distribuer la parole et surtout écoutez-la », rappelle Eric Singler.

Connaitre ses collaborateurs

-> La théorie

Lorsqu’on sait que le cerveau humain prend en moyenne 35.000 décisions par jour, mieux vaut distinguer ce qui guide nos choix. Pour Pierre Moorkens, président de l’Institut du neurocognitivisme, fondé avec Jacques Fradin, médecin et thérapeute cognitif et comportemental, « il faut déjà disposer d’une grille de lecture des comportements pour comprendre son propre état d’esprit et celui des autres ». Pour le coach, nous fonctionnons selon quatre gouvernances. La première est instinctive et renvoie à nos fonctions primaires (boire, manger, dormir).

La seconde est grégaire. Elle impose une hiérarchie entre les individus et développe notre notion du manque ou du trop plein de confiance en soi. Puis vient la gouvernance émotionnelle (mode limbique) qui contient nos savoirs et apprentissage mais aussi nos certitudes et parfois notre stress et notre résistance au changement. Enfin, la quatrième gouvernance est adaptative.  » C’est là que réside la dimension de la nuance, de la relativité, de la souplesse, etc  » précise Pierre Moorkens.

-> La pratique

Un collaborateur qui montre du stress en raison d’une modification que vous avez apporté à son programme de travail aura tendance à se réfugier dans le mode émotionnel. Il ne sera donc pas en mesure de prendre les bonnes décisions. « Le stress est un inhibiteur d’intelligence, la priorité est alors de faire de la communication adaptée », conseille Pierre Moorkens. Faites-le parler de ce qui l’angoisse dans ce changement. S’il est plutôt dans la colère, dites-lui que vous le comprenez : cette seule déclaration suffit parfois à ramener le calme. S’il semble découragé, prenez tout simplement le temps de l’écouter. A contrario, les membres de votre équipe que vous identifiez comme plutôt dans la dominance (mode grégaire) réclament de votre part une posture différente. Restez neutre, rappelez la règle de fonctionnement de l’équipe, ne vous justifiez pas et référez-vous si possible à des règles et des convenances formelles internes à l’entreprise. Pour mieux connaître votre équipe, surtout si vous venez d’en prendre la direction, la coach Brigitte Dubreucq, conseille de  » vous inspirer des questionnaires de dynamique comportementale « . Appelés aussi questionnaires de personnalité,  » ce type d’enquête est très utile pour savoir à quoi les collaborateurs accordent de la valeur  » avance la présidente de Coherens. Quelques exemples de questionnaires sont faciles à dénicher en ligne.

Passer en mode défi

-> La théorie

Comment impliquer vos collaborateurs dans un projet nouveau ? C’est simple : aidez-les à activer leur intelligence adaptative. « Le cerveau cherche toujours la stratégie optimale pour résoudre un problème. Ce travail active le cortex préfrontal qui joue un rôle important dans l’adaptation à des situations nouvelles ou complexes », précise Jeremy Lamri, titulaire d’un doctorat en sciences cognitives et responsable du département innovation et prospective chez Job teaser. En gros : le cerveau de vos coéquipiers adore les défis, à condition qu’il ne se sente pas menacé (lire ci dessus « l’aversion à la perte »). A vous de le stimuler !

-> La pratique

Pour mobiliser vos troupes, lancez-leur des défis. Et faites entrer votre équipe en mode résolution de problème. Votre art de renvoyer un feed back positif favorisera l’esprit critique et la capacité à communiquer de chacun. En entretien d’étape sur un projet, « laissez votre collaborateur exprimer lui-même ce qui a marché ou pas. Cette auto évaluation active son cortex préfrontal », avance Jeremy Lamri. Surtout ne le censurez pas : vous risquez de le voir se refermer comme un huître. Engagez aussi la créativité et la coopération par des réunions d’équipe sur un problème donné. « Par exemple, si l’un de vos fournisseurs vous quitte, posez des questions ouvrantes : et si on allait chercher un fournisseur dans un autre pays ? Qu’en pensez-vous ? Questionnez ensuite le pourquoi de la réaction de vos collaborateurs : qu’est ce qui est important pour vous dans cette action ? Quel serait son impact sur votre travail ? Comment transformer ce problème en objectif ? Si vous étiez sûr de réussir que feriez-vous ? Toutes ces interrogations poussent la réflexion collective », détaille Pierre Moorkens. Et si le temps presse, au mieux vous aurez trouvé une solution adaptée, au pire une solution que vous assumez collectivement !

Contrer les biais négatifs

-> La théorie

Notre cerveau enregistre plus souvent ce qui est positif dans sa mémoire à court terme et ce qui est négatif dans sa mémoire à long terme. Une façon, pour nos ancêtres préhistoriques, de se souvenir des dangers qu’ils affrontaient au quotiden, afin de rester toujours sur leurs gardes ! « Ce biais de négativité nous fait nous sentir en danger. Or quand on veut combler des faiblesses, on perd de l’énergie. Il faut donc pouvoir contrebalancer cet effet « , remarque Stéphanie Noncent, coach certifiée et directrice d’Opteamind.

-> La pratique

Pour cela, donnez toujours une part supplémentaire au positif plutôt qu’au négatif. identifiez le talent de vos collaborateurs plutôt que leurs défauts.  » J’organise souvent des réunions d’équipe où chaque collaborateur expose ses deux ou trois forces, ensuite s’engage un partage de point de vue entre eux  » explique la coach. Au quotidien, le manager doit également lutter contre son propre biais d’excès de confiance en soi. Non, il n’est pas le seul à pouvoir résoudre un problème, il doit donner l’occasion à ses collaborateurs de proposer des actions. Attention également au biais de stéréotype : ce n’est pas en vous entourant de collaborateurs performants ou qui vous ressemblent que vous trouverez forcément la meilleure issue à une crise. Suivie par Kennedy au début de son mandat, cette stratégie a débouché sur le calamiteux épisode de l’invasion manquée de Cuba… Mais le Président américain a su réagir rapidement en s’entourant justement de collaborateurs ne partageant pas systématiquement son avis.

Organiser des réunions inclusives

-> La théorie

Par le biais des neurones-miroirs, notre cerveau se forme et grandit au contact de l’autre. Cela signifie d’une part qu’un fonctionnement en silo risque de ne pas vraiment faire avancer le schmilblick dans votre entreprise. Et d’autre part, qu’en réunion, vous avez tout intérêt à vous appuyer sur quelques mécanismes cognitifs tels que le besoin d’empathie, l’écoute et la contradiction, pour améliorer la prise de décision collective.

-> La pratique

Lors d’une réunion, « commencez toujours par le sujet et non par l’objet », insiste David Destoc. Le sujet, ce sont les gens autour de la table : prenez quelques minutes pour laisser chacun dire comment il se sent, où en est son travail, quelle est son humeur du jour et engager la rencontre sur une note personnelle. « Chaque réunion doit inclure une participation individuelle et une synthèse collective », ajoute Olivier Sibony, professeur de stratégie affilié à HEC Paris et spécialiste de l’application des sciences cognitives dans la prise de décision. Il propose par exemple de débuter une réunion stratégique en utilisant la technique du mémo écrit. Ecrivez un court mémo sur la décision à prendre et donnez-le à chaque participant en début de réunion. Puis demandez à chacun d’écrire ce qu’il en pense avec un argument pour et un argument contre. Chacun lit ensuite ce qu’il a écrit aux autres, puis la discussion débute. « Par cette action, vous engagez les collaborateurs à donner leur avis sans être influencé par les opinions des autres ou la vôtre », détaille Olivier Sibony. Une bonne façon de se dégager de la pensée moutonnière propre aux effets de groupe.

Veronica Bostock -Sophrologist in Geneva – English, French, Italian and Spanish speaker
Veronica Bostock -Sophrologue à Geneva – Anglais, Français, Italien et Espagnol

 

https://www.capital.fr/votre-carriere/5-methodes-pour-faire-naitre-de-lintelligence-collective-au-boulot-1338930